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Paul-Marie AugusteVerlaine
Metz 30.3.1844 - Paris /Quartier Latin 8.1.1896

Verlaine, par Cazals

Paul-Marie Auguste Verlaine est né le 30 mars 1844 au 2 de la Haute-Pierre à METZ, d'une famille originaire des Ardennes. Son père, ancien soldat de Napoléon, capitaine du Génie, est en garnison dans la cité. La famille quitte METZ en 1845 pour y revenir en 1849, le petit Paul enfant évoquera dans ses "Confessions" ses jeux sur l'Esplanade.

Il est âgé de 7 ans quand ses parents s'installent à Paris où il y fait ses études. Employé dans une compagnie d'assurances puis expéditionnaire à l'Hôtel de Ville de Paris, il sent s'éveiller la vocation poétique et fréquente les Parnassiens (Leconte de Lisle, Sully Prudhomme, François Coppée). "Les poèmes saturniens" qu'il publie en 1866 ne rencontrent aucun succès ; il persévère pourtant avec "Les Fêtes galantes" en 1869 et "La Bonne Chanson" en 1870, année où il épouse Mathilde Mauté, soeur du compositeur Charles de Sivry.

En septembre 1871, il reçoit une première puis une seconde lettre signée du jeune Arthur Rimbaud ; y figurent quelques poèmes : "Les Effarés", "Accroupissement", etc... Verlaine enthousiaste lui répond : "venez, chère grande âme, on vous appelle, on vous attend". L'aventure de Verlaine et Rimbaud durera jusqu'en 1873, Tumultueuse, faite de séparations, de retrouvailles, elle passe par la Belgique, l'Angleterre, à nouveau Bruxelles où le 10 juillet 1873 Verlaine tire deux coups de feu sur Rimbaud après une dispute particulièrement orageuse. Il est condamné par la justice belge à deux ans de prison à Mons ; c'est là qu'il prépare les poèmes du futur recueil intitulé "Sagesse". lyrik online Homepage
Libéré le 16 février 1875, Verlaine se retrouve seul en France, sa femme ayant obtenu le divorce. Il part alors en Angleterre et professe le dessin et le français jusqu'en 1877. Il retrouve ensuite les Ardennes toujours comme professeur, au collège de Rethel. "Sagesse" est publié en 1881 et le nom de Verlaine devient enfin célèbre. Ses amis l'entourent (Huysmans, Villiers de l'Isle-Adam, ...) et la jeunesse est enthousiaste. Paraissent successivement "Les poètes maudits" en 1884 et "Jadis et Naguère" en 1885.

Mais la mort de sa mère précipite son déclin. Il entame une vie de bohême. A partir de 1889, malade, il va d'hôpital en hôpital, sa vie errante au Quartier Latin dure jusqu'en 1896 où il meurt presque abandonné. Il laisse un fils, Georges Verlaine.

Verlaine à Paris, d'après F. Bac

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Nevermore

Souvenir, souvenir, que me veux-tu? L'automne
Faisait voler la grive â travers l'air atone,
Et le soleil dardait un rayon monotone
Sur le bois jaunissant où la bise détone.

Nous étions seul a seule et marchions en rêvant,
Elle et moi, les cheveux et la pensée au vent.
Soudain, tournant vers moi son regard émouvant:
« Quel fut ton plus beau jour !» fit sa voix d'or vivant,

Sa voix douce et sonore, au frais timbre angélique.
Un sourire discret lui donna la réplique,
Et je baisai sa main blanche, dévotement.

– Ah ! les premières fleurs qu'elles sont parfumées !
Et qu'il bruit avec un murmure charmant
Le premier « oui » qui sort de lèvres bien-aimées !
L’angoisse

Nature, rien de toi ne m'émeut, ni les champs
Nourriciers, ni l'écho vermeil des pastorales
Siciliennes, ni les pompes aurorales,
Ni la solennité dolente des couchants.

Je ris de l'Art, je ris de l'Homme aussi, des chants,
Des vers, des temples grecs et des tours en spirales
Qu'étirent dans le ciel vide les cathédrales,
Et je vois du même œil les bons et les méchants.

Je ne crois pas en Dieu, j'abjure et je renie
Toute pensée, et quant â la vieille ironie,
L'Amour, je voudrais bien qu'on ne m'en parlât plus.

Lasse de vivre, ayant peur de mourir, pareille
Au brick perdu jouet du flux et du reflux,
Mon âme pour d'affreux naufrages appareille.
Chanson d’automne

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Chanson d'automne

Les sanglots longs
Des violons
.......De l'automne
Blessent mon cœur
D'une langueur
.......Monotone.

Tout suffocant
Et blême, quand
.......Sonne l'heure,
Je me souviens
Des jours anciens
.......Et je pleure;

Et je m'en vais
Au vent mauvais
.......Qui m'emporte
Deçà, delà,
Pareil à la
.......Feuille morte.

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Les coquillages

Chaque coquillage incrusté
Dans la grotte où nous nous aimâmes
A sa particularité.

L'un a la pourpre de nos âmes
Dérobée au sang de nos cœurs
Quand je brille et que tu t'enflammes;

Cet autre affecte tes langueurs
Et tes pâleurs alors que, lasse,
Tu m'en veux de mes yeux moqueurs;

Celui-ci contrefait la grâce
De ton oreille, et celui-là
Ta nuque rose, courte et grasse

Mais un, entre autres, me troubla.

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La lune blanche
Luit dans les bois;
De chaque branche
Part une voix
Sous la ramée . . .

O bien-aimée.

L'étang reflète,
Profond miroir,
La silhouette
Du saule noir
Où le vent pleure . . .

Rêvons, c'est l'heure.

Un vaste et tendre
Apaisement
Semble descendre
Du firmament
Que l'astre irise . . .

C’est l’heure exquise.

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Le vent dans la plaine
Suspend son haleine.

(Favart)

C'est l'extase langoureuse,
C'est la fatigue amoureuse,
C'est tous les frissons des bois
Parmi l'étreinte des brises,
C'est, vers les ramures grises,
Le chœur des petites voix.

O le frêle et frais murmure !
Cela gazouille et susure,
Cela ressemble au cri doux
Que l'herbe agitée expire . . .
Tu dirais, sous l'eau qui vire,
Le roulis sourd des cailloux.

Cette âme qui se lamente
En cette plainte dormante,
C’est la nôtre, n'est-ce pas
La mienne, dis, et la tienne,
Dont s'exhale l'humble antienne
Par ce tiède soir, tout bas ?

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Beauté des femmes, leur faiblesse, et ces mains pâles
Qui font souvent le bien et peuvent tout le mal.
Et ces yeux, oû plus rien ne reste d'animal
Que juste assez pour dire: « assez » aux fureurs mâles,

Et toujours, maternelle endormeuse des râles,
Même quand elle ment, cette voix ! Matinal
Appel, ou chant bien doux à vêpre, ou frais signal,
Ou beau sanglot qui va mourir au pli des châles ! . . .

Hommes durs ! vie atroce et laide d'ici-bas
Ah! que, du moins, loin des baisers et des combats,
Quelque chose demeure un peu sur la montagne,

Quelque chose du cœur enfantin et subtil,
Bonté, respect ! Car qu'est-ce qui nous accompagne,
Et vraiment, quand la mort viendra, que reste-t-il ?

^up

J'admire l'ambition du Vers Libre,
– Et moi-même que fais-je en ce moment
Que d'essayer d'émouvoir l'équilibre
D'un nombre ayant deux rythmes seulement ?

Il est vrai que je reste dans ce nombre
Et dans la rime, un abus que je sais
Combien il pèse et combien il encombre,
Mais indispensable à notre art français

Autrement muet dans la poésie
Puisque ce langage est sourd à l'accent.
Qu'y voulez-vous faire ? Et la fantaisie
Ici perd ses droits: rimer est pressant.

Que l'ambition du Vers Libre hante
De jeunes cerveaux épris de hasard
C'est l'ardeur d'une illusion touchante.
On ne peut que sourire à leurs écarts.

Gais poulains qui vont gambadant sur l’herbe
Avec une sincère gravité
Leur cas est fou, mais leur âge est superbe.
Gentil vraiment, le Vers Libre tenté !

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