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Arthur Rimbaud
Projets d'Études néantes

1872
als 18jähriger

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Die Prosagedichte:

Fragmente zu seiner Poetik

Projets d'Études néantes

...


Fêtes de la patience

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Larme

Loin des oiseaux, des troupeaux, des villageoises,
Je buvais, accroupi dans quelque bruyère
Entourée de tendres bois de noisetiers,
Par un brouillard d'après-midi tiède et vert.

Que pouvais-je boire dans cette jeune Oise,
Ormeaux sans voix, gazon sans fleurs, ciel couvert.
Que tirais-je à la gourde de colocase ?
Quelque liqueur d'or, fade et qui fait suer.

Tel, j'eusse été mauvaise enseigne d'auberge.
Puis l'orage changea le ciel, jusqu'au soir.
Ce furent des pays noirs, des lacs, des perches,
Des colonnades sous la nuit bleue, des gares.

L'eau des bois se perdait sur des sables vierges,
Le vent, du ciel, jetait des glaçons aux mares...
Or ! tel qu'un pêcheur d'or ou de coquillages,
Dire que je n'ai pas eu souci de boire !

^up

La Rivière de Cassis

La Rivière de Cassis roule ignorée
En des vaux étranges :
La voix de cent corbeaux l'accompagne, vraie
Et bonne voix d'anges :
Avec les grands mouvements des sapinaies
Quand plusieurs vents plongent.

Tout roule avec des mystères révoltants
De campagnes d'anciens temps ;
De donjons visités, de parcs importants :
C'est en ces bords qu'on entend
Les passions mortes des chevaliers errants :
Mais que salubre est le vent !

Que le piéton regarde à ces claires-voies :
Il ira plus courageux.
Soldats des forêts que le Seigneur envoie,
Chers corbeaux délicieux !
Faites fuir d'ici le paysan matois
Qui trinque d'un moignon vieux.

^up

Michel et Christine

Zut alors, si le soleil quitte ces bords !
Fuis, clair déluge ! Voici l'ombre des routes.
Dans les saules, dans la vieille cour d'honneur,
L'orage d'abord jette ses larges gouttes.

O cent agneaux, de l'idylle soldats blonds,
Des aqueducs, des bruyères amaigries,
Fuyez ! plaine, déserts, prairie, horizons
Sont à la toilette rouge de l'orage !

Chien noir, brun pasteur dont le manteau s'engouffre,
Fuyez l'heure des éclairs supérieurs ;
Blond troupeau, quand voici nager ombre et soufre,
Tâchez de descendre à des retraits meilleurs.

Mais moi, Seigneur ! voici que mon esprit vole,
Après les cieux glacés de rouge, sous les
Nuages célestes qui courent et volent
Sur cent Solognes longues comme un railway.

Voilà mille loups, mille graines sauvages
Qu'emporte, non sans aimer les liserons,
Cette religieuse après-midi d'orage
Sur l'Europe ancienne où cent hordes iront !

Après, le clair de lune ! partout la lande,
Rougis et leurs fronts aux cieux noirs, les guerriers
Chevauchent lentement leurs pâles coursiers !
Les cailloux sonnent sous cette fière bande !

- Et verrai-je le bois jaune et le val clair,
L'Epouse aux yeux bleus, l'homme au front rouge, ô Gaule
Et le blanc Agneau Pascal, à leurs pieds chers,
Michel et Christine, - et Christ ! - fin de l'Idylle.

^up

Comédie de la soif

I

LES PARENTS

....Nous sommes tes Grands-Parents.
............Les Grands !
....Couverts des froides sueurs
....De la lune et des verdures.
....Nos vins secs avaient du coeur!
....Au soleil sans imposture
....Que faut-il à l'homme? boire.

MOI - Mourir aux fleuves barbares.

....Nous sommes tes Grands-Parents
............Des champs.
....L'eau est au fond des osiers:
....Vois le courant du fossé
....Autour du château mouillé.
....Descendons en nos celliers;
....Après, le cidre et le lait...

MOI - Aller où boivent les vaches.

....Nous sommes tes Grands-Parents;
............Tiens, prends
....Les liqueurs dans nos armoires;
....Le Thé, le Café, si rares,
....Frémissent dans les bouilloires.
....- Vois les images, les fleurs.
....Nous rentrons du cimetière.

MOI - Ah ! tarir toutes les urnes !

II

....L'ESPRIT

....Éternelles Ondines
............Divisez l'eau fine.
....Vénus, soeur de l'azur,
........Émeus le flot pur.

....Juifs errants de Norwège
........Dites-moi la neige.
....Anciens exilés chers,
........Dites-moi la mer.

MOI - Non, plus ces boissons pures,
........Ces fleurs d'eau pour verres,
....Légendes ni figures
....Ne me désaltèrent;

....Chansonnier, ta filleule
........C'est ma soif si folle
....Hydre intime sans gueules
........Qui mine et désole.

III

....LES AMIS

....Viens, les Vins vont aux plages,
....Et les flots par millionsÝ!
....Vois le Bitter sauvage
....Rouler du haut des montsÝ!

....Gagnons, pèlerins sages,
....L'Absinthe aux verts piliers...

MOI - Plus ces paysages.
....Qu'est l'ivresse, Amis ?

....J'aime autant, mieux, même,
....Pourrir dans l'étang,
....Sous l'affreuse crème.
....Près des bois flottants.

IV

........LE PAUVRE SONGE

....Peut-être un Soir m'attend
....Où je boirai tranquille
....En quelque vieille Ville,
....Et mourrai plus content:
....Puisque je suis patient !

....Si mon mal se résigne,
....Si j'ai jamais quelque or,
....Choisirai-je le Nord
....Ou le pays des Vignes?...
....- Ah, songer est indigne

....Puisque c'est pure perte !
....Et si je redeviens
....Le voyageur ancien,
....Jamais l'auberge verte
....Ne peut bien m'être ouverte.

V

CONCLUSION

Les pigeons qui tremblent dans la prairie,
Le gibier, qui court et qui voit la nuit,
Les bêtes des eaux, la forêt asservie,
Les derniers papillons !... ont soif aussi.

Mais fondre où fond ce nuage sans guide,
- Oh ! favorisé de ce qui est frais !
Expirer en ces violettes humides
Dont les aurores chargent ces forêts?

^up

Bonne pensée du matin

A quatre heures du matin, l'été,
Le sommeil d'amour dure encore.
Sous les bosquets l'aube évapore
L'odeur du soir fêté.

Mais là-bas dans l'immense chantier
Vers le soleil des Hespérides,
En bras de chemise, les charpentiers
Déjà s'agitent.

Dans leur désert de mousse, tranquilles,
Ils préparent les lambris précieux
Où la richesse de la ville
Rira sous de faux cieux.

Ah ! pour ces Ouvriers charmants
Sujets d'un roi de Babylone,
Vénus ! laisse un peu les Amants,
Dont l'âme est en couronne.

0 Reine des Bergers !
Porte aux travailleurs l'eau-de-vie,
Pour que leurs forces soient en paix
En attendant le bain dans la mer, à midi.

^up

A quatre heure du matin l'été

A quatre heure du matin l'été
le Sommeil d'amour dure encore
Sous les bosquets l'aube évapore
l'odeur du soir fêté.

Or là bas dans l'immense chantier
Vers le Soleil des Hesperides
en bras de chemise les charpentiers
deja s'agitent

Dans leur déserts de mousse tranquilles
ils preparent les lambris précieux
où la richesse de la ville
rira sous de faux cieux

O pour ces ouvriers charmants
sujets d'un roi de Babylone
Venus ! laisse un peu les amants
dont l'âme est en couronne

O Reine des Bergers
porte aux travailleurs l'eau-de-vie
pour que leurs forces soient en paix
en attendant le bain dans la mer à midi

^up

Fêtes de la patience

Bannières de mai

Aux branches claires des tilleuls
Meurt un maladif hallali.
Mais des chansons spirituelles
Voltigent parmi les groseilles.
Que notre sang rie en nos veines,
Voici s'enchevêtrer les vignes.
Le ciel est joli comme un ange.
L'azur et l'onde communient.
Je sors. Si un rayon me blesse
Je succomberai sur la mousse.

Qu'on patiente et qu'on s'ennuie
C'est trop simple. Fi de mes peines.
je veux que l'été dramatique
Me lie à son char de fortune.
Que par toi beaucoup, ô Nature,
- Ah moins seul et moins nul ! - je meure.
Au lieu que les Bergers, c'est drôle,
Meurent à peu près par le monde.

Je veux bien que les saisons m'usent.
A toi, Nature, je me rends ;
Et ma faim et toute ma soif.
Et, s'il te plaît, nourris, abreuve.
Rien de rien ne m'illusionne;
C'est rire aux parents, qu'au soleil,
Mais moi je ne veux rire à rien ;
Et libre soit cette infortune.

^up

Fêtes de la patience

Chanson de la plus haute tour

Oisive jeunesse
A tout asservie,
Par délicatesse
J'ai perdu ma vie.
Ah ! Que le temps vienne
Où les coeurs s'éprennent.

Je me suis dit : laisse,
Et qu'on ne te voie :
Et sans la promesse
De plus hautes joies.
Que rien ne t'arrête,
Auguste retraite.

J'ai tant fait patience
Qu'à jamais j'oublie ;
Craintes et souffrances
Aux cieux sont parties.
Et la soif malsaine
Obscurcit mes veines.

Ainsi la prairie
A l'oubli livrée,
Grandie, et fleurie
D'encens et d'ivraies
Au bourdon farouche
De cent sales mouches.

Ah ! Mille veuvages
De la si pauvre âme
Qui n'a que l'image
De la Notre-Dame !
Est-ce que l'on prie
La Vierge Marie ?

Oisive jeunesse
A tout asservie,
Par délicatesse
J'ai perdu ma vie.
Ah ! Que le temps vienne
Où les coeurs s'éprennent !

^up

Fêtes de la patience

L'Eternité

Elle est retrouvée.
Quoi? - L'Eternité.
C'est la mer allée
Avec le soleil.

Ame sentinelle,
Murmurons l'aveu
De la nuit si nulle
Et du jour en feu.

Des humains suffrages,
Des communs élans
Là tu te dégages
Et voles selon.

Puisque de vous seules,
Braises de satin,
Le Devoir s'exhale
Sans qu'on dise : enfin.

Là pas d'espérance,
Nul orietur.
Science avec patience,
Le supplice est sûr.

Elle est retrouvée.
Quoi ? - L'Eternité.
C'est la mer allée
Avec le soleil.

^up

Fêtes de la patience

Âge d'or

Quelqu'une des voix
Toujours angélique
- Il s'agit de moi, -
Vertement s'explique :

Ces mille questions
Qui se ramifient
N'amènent, au fond,
Qu'ivresse et folie ;

Reconnais ce tour
Si gai, si facile:
Ce n'est qu'onde, flore,
Et c'est ta famille !

Puis elle chante. O
Si gai, si facile,
Et visible à l'oeil nu...
- Je chante avec elle, -

Reconnais ce tour
Si gai, si facile,
Ce n'est qu'onde, flore,
Et c'est ta famille !... etc...

Et puis une voix
- Est-elle angélique !-
Il s'agit de moi,
Vertement s'explique ;

Et chante à l'instant
En soeur des haleines :
D'un ton Allemand,
Mais ardente et pleine :

Le monde est vicieux ;
Si cela t'étonne !
Vis et laisse au feu
L'obscure infortune.

O ! joli château !
Que ta vie est claire !
De quel Age es-tu,
Nature princière
De notre grand frère ! etc..

Je chante aussi, moi :
Multiples soeurs ! voix
Pas du tout publiques !
Environnez-moi
De gloire pudique... etc...

^up

Jeune ménage

La chambre est ouverte au ciel bleu-turquin ;
Pas de place : des coffrets et des huches !
Dehors le mur est plein d'aristoloches
Où vibrent les gencives des lutins.

Que ce sont bien intrigues de génies
Cette dépense et ces désordres vains !
C'est la fée africaine qui fournit
La mûre, et les résilles dans les coins.

Plusieurs entrent, marraines mécontentes,
En pans de lumière dans les buffets,
Puis y restent ! le ménage s'absente
Peu sérieusement, et rien ne se fait.

Le marié a le vent qui le floue
Pendant son absence, ici, tout le temps.
Même des esprits des eaux, malfaisants
Entrent vaguer aux sphères de l'alcôve.

La nuit, l'amie oh ! la lune de miel
Cueillera leur sourire et remplira
De mille bandeaux de cuivre le ciel.
Puis ils auront affaire au malin rat.

- S'il n'arrive pas un feu follet blême,
Comme un coup de fusil, après des vêpres.
- 0 spectres saints et blancs de Bethléem,
Charmez plutôt le bleu de leur fenêtre !

^up

Ô saisons, Ô châteaux...

Ô saisons, Ô châteaux,
Quelle âme est sans défaut ?

Ô saisons, Ô châteaux,

J'ai fait la magique étude
Du bonheur, que nul n'élude.

Ô vivre lui, chaque fois
Que chante son coq gaulois.

Mais ! je n'aurais plus d'envie,
Il s'est chargé de ma vie.

Ce charme ! il prit âme et corps,
et dispersa tous efforts.

Que comprendre à ma parole ?
Il fait qu'elle fuit et vole !

Ô saisons, Ô châteaux !

[ Et, si le malheur m'entraîne,
Sa disgrâce m'est certaine.

Il faut que son dédain, las !
Me livre au plus prompt trépas !

Ô Saisons, Ô Châteaux ! ]

^up

Fêtes de la faim

Ma faim, Anne, Anne,
Fuis sur ton âne.

Si j'ai du goût, ce n'est guères
Que pour la terre et les pierres.

Dinn! dinn! dinn! dinn ! Mangeons l'air,
Le roc, les charbons, le fer.

Mes faims, tournez. Paissez, faims,
Le pré des sons !
Attirez le gai venin
Des liserons ;

Mangez
Les cailloux qu'un pauvre brise,
Les vieilles pierres d'église,
Les galets, fils des déluges,
Pains couchés aux vallées grises !

Mes faims, c'est les bouts d'air noir;
L'azur sonneur;
- C'est l'estomac qui me tire.
C'est le malheur.

Sur terre ont paru les feuilles !
Je vais aux chairs de fruit blettes.
Au sein du sillon je cueille
La doucette et la violette.

Ma faim, Anne, Anne !
Fuis sur ton âne.

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Entends comme brame

Entends comme brame
près des acacias
en avril la rame
viride du pois !

Dans sa vapeur nette,
vers Phoebé ! tu vois
s'agiter la tête
de saints d'autrefois...

Loin des claires meules
des caps, des beaux toits,
ces chers Anciens veulent
ce philtre sournois...

Or ni fériale
ni astrale ! n'est
la brume qu'exhale
ce nocturne effet.

Néanmoins ils restent,
- Sicile, Allemagne,
dans ce brouillard triste
et blêmi, justement !

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Mémoire

I

L'eau claire ; comme le sel des larmes d'enfance,
L'assaut au soleil des blancheurs des corps de femmes ;
La soie, en foule et de lys pur, des oriflammes
Sous les murs dont quelque pucelle eut la défense;

L'ébat des anges ; - Non... le courant d'or en marche,
Meut ses bras, noirs, et lourds, et frais surtout, d'herbe. Elle
Sombre, ayant le Ciel bleu pour ciel-de-lit, appelle
Pour rideaux l'ombre de la colline et de l'arche.

II

Eh ! l'humide carreau tend ses bouillons limpides !
L'eau meuble d'or pâle et sans fond les couches prêtes.
Les robes vertes et déteintes des fillettes
Font les saules, d'où sautent les oiseaux sans brides.

Plus pure qu'un louis, jaune et chaude paupière
Le souci d'eau - ta foi conjugale, Ô l'épouse !
Au midi prompt, de son terne miroir, jalouse
Au ciel gris de chaleur la Sphère rose et chère.

III

Madame se tient trop debout dans la prairie
Prochaine où neigent les fils du travail; l'ombrelle
Aux doigts ; foulant l'ombelle; trop fière pour elle;
Des enfants lisant dans la verdure fleurie

Leur livre de maroquin rouge ! Hélas, Lui, comme
Mille anges blancs qui se séparent sur la route,
S'éloigne par delà la montagne ! Elle, toute
Froide, et noire, court ! après le départ de l'homme !

IV

Regret des bras épais et jeunes d'herbe pure !
Or des lunes d'avril au cœur du saint lit ! Joie
Des chantiers riverains à l'abandon, en proie
Aux soirs d’août qui faisaient germer ses pourritures !

Qu'elle pleure à présent sous les remparts ! l'haleine
Des peupliers d'en haut est pour la seule brise.
Puis, c'est la nappe, sans reflets, sans source, grise :
Un vieux, dragueur, dans sa barque immobile, peine.

V

Jouet de cet œil d'eau morne, je n'y puis prendre,
Ô canot immobile ! oh ! bras trop courts ! ni l'une
Ni l'autre fleur : ni la jaune qui m'importune,
Là ; ni la bleue, amie à l'eau couleur de cendre.

Ah ! la poudre des saules qu'une aile secoue !
Les roses des roseaux dès longtemps dévorées !
Mon canot, toujours fixe; et sa chaîne tirée
Au fond de cet œil d'eau sans bords, - à quelle boue ?

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